14. juil., 2015

Les vraies vacances : Jean-Louis Servan-Schreiber, juillet 2004.

On appelle ça des vacances, le terme peut tromper. Car dans « vacance », il y a vide, vacuité, disponibilité.

Pendant l’année, elles sont sources de fantasmes innocents : je lirai ce livre en vacances, j’irai voir untel pendant les vacances, je profiterai des vacances pour me mettre au yoga, etc.

Et voici qu’avant même de commencer, elles sont déjà, dans notre tête, encombrées de désirs, de projets… pour au moins trois mois.

Le seul point commun à toutes, c’est qu’on ne travaille plus, ou pas aux mêmes choses, ni de la même manière.

La grande Colette disait : « Mes vacances, c’est d’aller travailler ailleurs. »

Mais surtout chacun ne part pas avec les mêmes objectifs. S’éclater, se retrouver, faire autre chose, voire se reposer, tout n’est pas compatible. Ceux qui veulent s’éclater, les plus jeunes, n’ont pas forcément envie de se retrouver… avec leurs parents. S’ils sont pourtant dans la même maison, il est assuré qu’ils n’auront pas les mêmes horaires. En vacances, on peut facilement cohabiter sans vraiment se rencontrer.
Autant il est naturel de passer ses vacances avec les autres, sa famille, ses amis, ses partenaires de sport ou de plaisirs, autant il ne faut pas s’oublier en chemin. Pendant l’été au moins peut-on changer de rythmes. Evitons le risque de se brancher sur ceux des autres, en oubliant les siens propres. C’est particulièrement le cas pour les mères ou les grands-mères qui se retrouvent, comme pendant le reste de l’année, en charge d’une maisonnée, sauf qu’elle est plus nombreuse et ne mange pas aux mêmes heures.

Nous entretenons, en été aussi, des désirs contradictoires, comme celui de trouver un peu de solitude, de silence et d’isolement, tout en espérant se rapprocher de tous ceux que l’on ne voit pas assez le reste du temps. Les deux nous sont nécessaires, peut-être vitaux, alors comment faire ? La réponse relève d’un autre rêve : avoir beaucoup de jours, les uns pour soi tout seul, les autres pour l’affection et le partage, en famille ou en couple. Même avec les cinq semaines ou plus dont nous bénéficions (un privilège par rapport à la génération de nos parents) ce n’est pas suffisant. 

Aussi retrouvons-nous en vacances ce qui fait la trame de nos vies, la nécessité de choisir, l’art du compromis et la soumission au principe de réalité.

Mais ce n’est pas triste pour autant ; nous en avons l’habitude. Le seul moyen de bien le vivre, c’est, comme dans toute situation, de laisser venir nos fantasmes et de trier parmi eux ceux dont il nous paraît jouable de faire des priorités.

Et si nous ne nous sommes pas trop trompés, alors nous allons passer d’excellentes vacances.

Source : http://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Comportement/Articles-et-Dossiers/Les-vraies-vacances